La piraterie : une situation préoccupante pour l'assurance des marchandises

Piracy: Concerns and Cargo Insurance

En fin d'année 2008, les attaques pirates hautement médiatisées, dont celles du très gros porteur de brut Sirius Star, qui transportait quelque deux millions de barils de pétrole, et du roulier ukrainien Faina, qui avait à son bord des armes et des chars d'assaut, ont attiré l'attention du grand public sur la piraterie qui sévit en Somalie et dans le golfe d'Aden. Ces incidents ont projeté la piraterie moderne sous les feux de la rampe et ravivé la vigilance des Nations Unies (ONU) à cet égard.

Néanmoins, avant tout le battage médiatique entourant ces événements, les secteurs du transport maritime et de l'assurance connaissaient les problèmes dans cette région et surveillaient continuellement la piraterie dans le monde. D'ailleurs, le Joint War Committee, qui représente les assureurs couvrant les risques maritimes et de guerre au sein du marché de Londres, a ajouté la Somalie, en 2005, et le golfe d'Aden, en mai 2008, à sa liste des zones à risque élevé de guerre, de grève, de terrorisme et d'autres problèmes semblables.

Chaque année, plus de 20 000 navires traversent le golfe d'Aden, y compris près de 4 % de l'approvisionnement mondial en pétrole. La piraterie a affiché une croissance fulgurante dans cette région : plus de 100 navires ont été attaqués en 2008, comparativement à un peu moins de 25 en 2007 et seulement 5 en 2004, d'après les données obtenues du Centre de piraterie du Bureau maritime international.

La solution de rechange au golfe d'Aden est le cap de Bonne-Espérance, mais il nécessite plusieurs jours de déplacement supplémentaires et coûte environ un million de dollars en carburant, en équipage et en possibilités de transport perdues pour un grand porte-conteneurs. En comparaison, la pénalité des assureurs pour l e passage de ce type de navire dans le golfe d'Aden jusqu'au canal de Suez ne coûte que quelques centaines de milliers de dollars. Dans un marché en récession, les coûts revêtent une importance telle que les armateurs pourraient être tentés de courir inutilement un risque accru. Or, dans certains cas, les armateurs ont déjà redirigé leurs navires de moindre vitesse et à risque plus élevé vers le cap, au lieu d'entreprendre la traversée risquée du golfe.

Les coûts directement liés à la piraterie sont depuis longtemps considérés comme un risque de mer couvert par une police d'assurance pour le fret, ainsi que par une police sur la coque et les machines pour le navire. Les armateurs dont les bateaux passent par des zones à risque souscrivent parfois une assurance contre les enlèvements et les demandes de rançon. Sans cette couverture, la blessure ou le décès d'un membre de l'équipage pourrait ne pas être assurée par la protection et indemnisation mutuelle du propriétaire, bien que la plupart des armateurs préfèrent la couverture toute spéciale qu'offre l'assurance contre les enlèvements et les demandes de rançon.

Les demandes de rançon de plusieurs millions de dollars pour la libération de l'équipage, du navire et de sa cargaison, par contre, n'ont rien d'habituel par rapport au simple vol de marchandise tenant lieu de paiement. Outre l'argent comptant et le matériel à bord, cette situation inquiète de plus en plus les assureurs, car il s'agit de bien plus qu'une question d'argent. La rançon n'est pas un phénomène nouveau, mais cela se complique aujourd'hui avec la lutte antiterroriste puisque les assureurs ne peuvent accorder un paiement qui pourrait profiter à des activités terroristes. On a suggéré qu'en cas de rançon liée au terrorisme, la réclamation du propriétaire de bateau ou de cargaison soit refusée. Toutefois, selon notre expérience, les réclamations pour paiement de rançon dans le transport de marchandises, habituellement déclarées comme une avarie commune, n'ont pas été rejetées jusqu'à présent.

L'avantage de la couverture médiatique accrue sur la piraterie dans le golfe d'Aden fait en sorte que l'ONU cherche à conclure un accord dans lequel les signataires conviennent d'arrêter les présumés ou avérés pirates, d'enquêter sur eux et de les poursuivre. L'accord prévoit le sauvetage des navires attaqués et la saisie des navires-pirates. Il couvre également d'éventuelles poursuites immédiates dans les eaux territoriales d'un autre pays et le partage des opérations comme la nomination des agents qui embarqueront à bord des bateaux ou des avions-patrouilles d'un autre signataire. Jusqu'à la conclusion de l'accord, les navires militaires circulant dans la région ne pouvaient que surveiller les activités pirates lorsqu'ils naviguaient dans les eaux territoriales d'un autre pays et n'avaient droit de tirer qu'en cas d'autodéfense.

Cela dit, l'ONU précise que malgré l'appui de plusieurs États situés dans cette région, l'amélioration de la situation dépend des changements internes en Somalie, où il n'y a plus de gouvernement central depuis 1991. Vu le succès des pirates somaliens, on craint plutôt l'expansion de la piraterie dans d'autres régions. Pour obtenir de plus amples renseignements sur la piraterie en 2008, y compris une carte interactive de la piraterie, consultez le rapport annuel du Bureau maritime international concernant les actes de piraterie et les vols à main armée à l'encontre des navires, au www.icc-ccs.org(en anglais seulement).